4 septembre 2017 / Ismaïl ar-Roubaysī

Combien de versets y'a-t-il dans le Coran ?

Récapitulatif des différents décomptes de versets

al-Bayān fī 'addi 'āyi-l-qur'ān - 'Abū 'Amr ad-Dānī (m. en 444 H.)

Le Prophète ﷺ enseigna à de nombreux Compagnons le Coran. Les érudits parmi eux se dispersèrent alors dans le monde musulman lorsque celui-ci s'étendit. Ainsi, Ibn Mas'oūd alla à Koufa, 'Aboū ad-Dardā' dans le Cham, d'autres restèrent à Médine ou à la Mecque.

Chacun de ces nobles hommes ou femmes transmirent alors le Coran à une génération de Tābi'īn issus de la ville qu'ils avaient accepté comme patrie.

Telle est la raison pour laquelle chaque région disposait de son propre décompte de versets du Coran.

Mais comment est-il possible que chacun de ces Compagnons ait pu transmettre un nombre de versets différents du Prophète ﷺ, en sachant que tout ceci est « tawqīfī »" et révélé par Allah ﷻ Seul par l'intermédiaire de Jibrīl - ﷺ - ; et que ce nombre de versets n'est pas le fruit de l'interprétation des Compagnons comme l'atteste un certain nombre de récits (Cf. : at-’itqān fī ‘ouloūm al-qour’ān de as-Souyoūṭī) ?

La réalité de cette divergence

Il faut tout d'abord comprendre que le nombre de versets n'affecte en rien le contenu du Coran.

Il ne s'agit que d'une divergence concernant le fait de savoir où s'arrêtent certains versets.

Prenons l'exemple de la Fātiḥah que chacun d'entre nous mémorise :


Le verset ﴾ṣirāṭa-l-ladhīna ’an‘amta ‘alayhim﴿ s'arrête-t-il ici, ou se finit-il à ﴾ghayri-l-maghḍoūbi ‘alayhim wa la-ḍ-ḍāllīn﴿ ?

۞ Les gens de Koufa et de la Mecque considèrent que toute la phrase jusque ﴾wa la-ḍ-ḍāllīn﴿ est un seul et même verset.

۞ Quant aux savants des autres contrées : ils considèrent que le verset finit à ﴾’an‘amta ‘alayhim﴿, ce qui fait deux versets.


Ces assemblements de versets créent alors une différence au niveau du nombre final, lors du comptage du total de versets.

La sagesse divine derrière cette divergence

Quelle sagesse tirer d'une telle divergence ? Pourquoi Allah ﷻ a-t-Il décidé que certains versets pouvaient être lu comme deux versets ?

Rappelons d'abord que cette divergence relève de la Sagesse d'Allah ﷻ car rien n'existe sans qu'Il ne l'ait décidé ﷻ ;

On peut alors percevoir à travers la lecture de Son Livre que ces différentes fins de versets permettent de les méditer de multiples façons, ainsi qu'une pluralité dans leur compréhension, de la même façon qu'une ponctuation peut modifier le sens d'une phrase en langue française.

Cette pluralité nous donne cette assurance que le Coran n'est pas un livre comme les autres, en constatant émerveillés, que la ponctuation de celui-ci réside de façon singulière dans la séparation entre ses versets, permettant une multitude d'effets possibles sur le coeur conscient de tout lecteur attentif.


Exemple : le verset du Trône. Allah ﷻ dit : ﴾allāhou lā ’ilāha ’illā houwa-l-ḥayyou-l-qayyoūm lā tākhoudhouhoū sinatouw-wa lā nawm [...]﴿ (v.255) ۝

 ﴾Allah, nul divinité (ne méritant d'être adoré) sauf Lui, le Vivant l'Eternel, ne Le touchent ni somnolence ni sommeil﴿

Le lire comme un seul verset n'a pas le même effet dans l'évocation que si l'on se basait sur le décompte des Médinois qui séparent le verset et le font s'arrêter à ﴾al-qayyoūm﴿

Méditons-donc le verset :

allahou lā ’ilāha ’illā houwa-l-ḥayyou-l-qayyoūm﴿ (v.253) ۝ ﴾lā tākhoudhouhoū sinatouw-wa lā nawm﴿ (v.254) ۝

 ﴾Allah nul divinité (ne méritant d'être adoré) sauf Lui le Vivant l'Eternel﴿ (v.253) ۝ ﴾Ne Le touchent ni somnolence ni sommeil [...]﴿ (v.254) ۝


Le fait de le considérer en un seul verset nous donnent l'impression d'une succession de qualificatifs qui illustrent la perfection d'Allah ﷻ de façon générale (Son Unicité, Sa Vie, Son Éternité, la négation de tout ce qui ne peut être attribué à Allah ﷻ, Sa Grandeur, Son Immensité...).

Tandis que si l'on médite à partir du décompte médinois, le premier verset donne l'effet d'une insistance sur le caractère absolu de Son Unicité.

Le verset est dans ce cas court et donne l'impression d'être concentré et représentatif de son contenu par l'intermédiaire de sa forme.

Sur quel nombre se basent les mushafs de nos jours ?

Cela dépend de la lecture utilisée, car chaque imam des lectures coraniques s'est basé sur le comptage des gens de sa contrée.

Il existe ainsi deux décomptes répandus de nos jours :


۞ Les mouṣḥafs en Ḥafṣ se basent sur le nombre des gens de Koufa en Irak, car Ḥafṣ est un Koufi.


۞ Quant aux moushaf en Warch (lecture des maghrébins), ils se basent sur le nombre médinois, car Warch a rapporté ce nombre d'après Nāfi` qui est l'imam des Médinois dans le Coran (Certains mouṣḥafs de tajwid édités en Warch aujourd'hui suivent le nombre de Koufa cependant). Même chose pour les mouṣḥafs en Qāloūn utilisés en Tunisie et en Lybie, ceci car Qāloūn est un des imams de Médine.

Alors ne vous trompez plus ! Le verset du Trône n'est pas forcément le 255ème de la sourate al-Baqarah. Il ne l'est que chez les gens de Koufa et les mouṣḥafs en Ḥafṣ (les plus répandus). Quant aux mouṣḥafs en Warch, le verset du Trône se trouve être deux versets : le premier précité est le 253ème, et le deuxième est le 254ème.